Etape 5 : Site des « Petits Carreaux »
7- Les petits métiers et les commerces.
Au même titre que la plupart des communes rurales, Saint-Léger-les-Vignes comptait une grande variété de petits métiers et de commerces dont voici quelques exemples significatifs.
La garde-barrière
A Saint-Léger la petite maison de la garde-barrière se situait à la Crémaillère. Elle a malheureusement été détruite en 1978. Cette maisonnette n’a reçu l’électricité qu’en 1952. La vie de garde-barrière n’était pas de tout repos. Il fallait se lever dès 4 h 30 en été. La ligne Nantes-Pornic était très fréquentée : on pouvait compter une quinzaine de trains par jour. Certains trains alimentaient les usines de Paimboeuf (Kuhlmann), ils pouvaient avoir une quarantaine de wagons. Sur la commune de Saint-Léger-les-Vignes, l’unique voie de chemin de fer est jalonnée de trois passages à niveau : au Marais-Blanc, à Vallier et à la Crémaillère. La garde-barrière était avertie de l’arrivée du train par une cloche (plus tard par une sonnerie). L’appel venait soit de Bouaye, soit de Port-Saint-Père/Saint-Mars-de-Coutais.
Le rythme était différent selon la gare d’origine. Lorsque le système est devenu électrique, il y avait un tableau qui indiquait d’où venait le train. La barrière de la Crémaillère était facile à fermer, il suffisait de la pousser comme un portail. En revanche les deux autres étaient actionnées par un treuil. Ce treuil situé à la Crémaillère permettait au moyen d’un câble, d’abaisser à distance les barrières. C’était dur, surtout pour la plus éloignée.
Parfois une charrette restait coincée sur le passage à niveau, il fallait alors courir au-devant du train avec un drapeau rouge à la main. On mettait aussi des pétards qui éclataient au Passage du train pour prévenir
le conducteur de la présence d’un obstacle sur la voie.
La garde-barrière devait tenir un registre où il fallait tout noter, les heures d’embauche et de débauche, les trains supplémentaires non marqués sur les horaires, les incidents sur la voie, etc.
Ce travail essentiellement féminin n’était pas très bien rémunéré cependant il permettait de rester à la maison pour élever les enfants, d’avoir la sécurité d’emploi et le logement. Le titulaire et sa famille pouvaient voyager gratuitement mais les occasions étaient rares puisqu’il fallait une présence quasi permanente sur le lieu de travail.
La responsabilité de la garde-barrière était énorme. Elle devait composer avec les agriculteurs qui empruntaient souvent les passages à niveau pour leurs travaux, pour emmener les troupeaux à pacager dans les marais, les pêcheurs, les chasseurs, etc. Il fallait bien s’entendre avec les gens pour obtenir d’eux un peu de patience. Elle n’avait pas toujours gain de cause. Il fallait avoir de bons réflexes et garder la tête froide en cas d’accident.
L’activité de garde-barrière a cessé quand il y a eu la « mise à feu » des passages à niveau, c’est à dire leur automatisation, en 1977.
La laveuse
Souvent la lessive de la semaine se faisait le lundi. On allumait le feu sous un grand chaudron en fonte. Le linge était d’abord trempé dans une bassine en zinc après avoir été frotté au savon de Marseille. Puis on le frottait à la brosse de chiendent sur le banc à laver. Ensuite on le mettait à bouillir dans le chaudron. Pour rendre le blanc plus éclatant on utilisait des boules de bleu de méthylène qui coloraient l’eau. Pour le rinçage, on emmenait le linge à la rivière sur une brouette à lattes. Ceux qui possédaient un puits pouvaient rincer à domicile. Quand la lessive manquait on utilisait de l’eau de cendres. Il fallait un demi-seau de cendres pour deux seaux d’eau. On laissait reposer pendant une semaine puis on récupérait l’eau du dessus qui était devenue douce et marron. Ainsi il suffisait de très peu de lessive pour avoir du linge propre. Il y eut quelques marchands de cendres à Saint-Léger au 19ème siècle, mais les cendres étaient le plus souvent utilisées comme engrais dont le commerce fut à une époque assez importante. Le métier de laveuse était un dur métier, l’eau froide pour le rinçage, le linge mouillé trop lourd …
Le bouilleur de cru et le distillateur
Tout d’abord il convient de bien différencier les deux métiers. Le bouilleur de cru est le récoltant qui détient le droit de distiller son vin. Le distillateur est la personne agréée par la direction générale des impôts pour pratiquer la distillation. C’est la lie qui est distillée. Le distillateur allait de village en village. A Saint-Léger, les points de distillerie (toujours placés près d’un point d’eau) étaient : à la Haute Galerie, à l’emplacement du parking du Chai Gallais où il y avait un étang, à Vallier et à la Chaussérie. Parfois on utilisait l’eau de vie la plus claire, celle obtenue à mi-distillation, pour soigner les gens et les animaux. La présence de l’alambic n’échappait à personne tant la campagne s’emplissait d’une odeur particulière.
Le sabotier
Le sabot est creusé dans de multiples bois : aulne, peuplier, frêne, cerisier, noyer, hêtre. Pour avoir plus chaud on y glissait des chaussons de feutre. Le sabotier de Saint-Léger (dont l’atelier était près du restaurant « Les petits carreaux ») a acheté des machines en 1925. D’abord une scie et une tailleuse, ensuite une « creuseuse ». Ces machines fonctionnaient au début à l’essence, puis à l’électricité. Les sabots étaient finis à la main. Il existait différentes sortes de sabots, les uns pour aller dans les champs, les autres pour les mariages ou pour aller à la messe. Les enfants avaient des sabots avant même de savoir marcher. On leur mettait de vrais petits sabots à bride, avec derrière une talonnette en cuir, qu’on attachait devant avec un petit lacet.
Le charpentier
Dans ce métier qui exige adresse et expérience, la transmission du savoir s’exerce souvent de père en fils. Il y eut à Saint-Léger au cours du 19ème et du 20ème siècle deux grandes familles de charpentiers. L’une logeait près du Haut-Moulin et l’autre dans le bourg. Il n’y eut pas de menuisiers car souvent les charpentiers effectuaient le travail d’un menuisier. Ils faisaient aussi bien des charpentes, des portes, des fenêtres ou des parquets que des meubles. Les chambres des jeunes mariés étaient en chêne ou en châtaignier, en merisier ou en loupe d’orme. Ils fabriquaient aussi des bancs à laver, des échelles, des chaufferettes ... Ils réparaient les pressoirs à long fût, faisaient des baquets. A Noël ils créaient des jeux : cheval de bois, quilles, boules …
Le publicateur, le fossoyeur, le cordonnier
Constant Béchu, né en 1914, fit office à la fois de publicateur-afficheur (« le fait à savoir ») et de fossoyeur. Le dimanche après la messe, il montait sur une marche située place de l’église, il agitait une clochette et les gens arrivaient pour l’écouter. Il annonçait les réunions du conseil municipal, l’ouverture de la chasse, les mesures prises contre les nuisibles, les avis d’inscription pour la conscription, etc. Il entretenait aussi le cimetière ainsi que la place de l’église qui fut un temps en herbe.
Autour de la place de l’église on trouvait aussi un cordonnier. C’était encore le temps des galoches et des chaussures sur mesure. Dans l’atelier il y avait des odeurs de cuir, de caoutchouc et de basane, cette peau fine que l’on mettait à l’intérieur des chaussures.
Les épiceries
Entre les deux guerres, Il y eut jusqu’à sept épiceries à Saint-Léger : quatre dans le bourg, deux à la Haute-Galerie, et une à la Chaussérie. On y trouvait de tout mais chacune avait sa spécialité. Chez l’une vous alliez chercher de la vaisselle, des pointes, des cabosses (clous que l’on mettait sous les sabots afin qu’ils s’usent moins vite), des sabots, des chaussons et toutes sortes de denrées, mais pas de produits laitiers. Chez une autre, en plus de l’épicerie vous trouviez du beurre, des œufs, de la crème mais aussi de la mercerie et du pain.
La « mère Dupont » faisait café, laiterie et dépôt de pain. Si elle devait s’absenter, elle laissait la porte ouverte et les clients se servaient !
Dans ce qui est actuellement le restaurant « Les Petits Carreaux » il y avait une buvette, un bureau de tabac, la régie pour faire les acquits (taxes sur le transport du vin) et un petit peu d’épicerie.
A la Haute Galerie une épicerie faisait aussi dépôt de charcuterie et, à l’étage on repassait, empesait les jupons à dentelle. Plus tard, il y eut un atelier de couture.
A la Chaussérie il y avait une boulangerie qui a cessé son activité après la guerre de 1914. Ensuite il y eut une petite épicerie-mercerie qui faisait aussi dépôt de pain. On y trouvait du gros sel, des pruneaux, du café, des bougies, du pétrole, du chocolat et bien d’autres choses.
Bien sûr tous ces produits n’étaient pas vendus sous-vide ou en sachets tout préparés, le sel, le sucre, le café étaient pesés et mis dans des sacs en papier, on emportait sa bouteille pour la faire remplir de vinaigre …
La crème et le beurre étaient apportés par les fermiers qui écoulaient ainsi leur production. Il n’y avait ni fruits ni légumes, on se débrouillait avec sa propre récolte. En revanche on trouvait des figues sèches et des pruneaux d’Agen.
Morue, sardines et harengs séchés et salés étaient proposés serrés dans des présentoirs en bois.
Pour la maison il y avait de tout : vaisselle, lampes à pétrole, bougies, allumettes, bouchons, balais … Et surtout des grands bocaux pleins de bonbons de toutes les couleurs que les enfants adoraient.
A une époque les commerçants tels le poissonnier, le boulanger ou le boucher passaient dans les villages avec leur camionnette en klaxonnant et les clients sortaient de leur maison pour acheter ce dont ils avaient besoin.